Mode proie ou mode prédateur : quel impact en management ?

Tribune publiée dans Focus RH le 12/04/2022

L’un est animé par la pulsion de vie. L’autre par la pulsion de mort. Deux visions du monde et naturellement, quand il s’agit d’animaux grégaires, deux approches des relations distinctes. A l’heure où l’on a jamais autant entendu parler de leadership bienveillant ou de management par la confiance, observons ce que la nature peut nous enseigner. 

Proies grégaires et prédateurs grégaires, des rapports au groupe et au territoire hétérogènes

Pour commencer, il me paraît intéressant de se rappeler que nous humains, nous sommes regroupés en “meute” pour plusieurs raisons dont l’une d’elles, essentielles à sa survie, était de chasser plus efficacement. Du côté des proies grégaires, comme les chevaux par exemple, Chris Irwin dans Les chevaux ne mentent jamais, rappelle qu’ils se sont regroupés en troupeau dans le but justement, de pouvoir se protéger les uns les autres des prédateurs. Proies et prédateurs ont donc bien des visions et appréhensions du collectif quelque peu distinctes ! Quand pour l’un c’est notamment un moyen d’atteindre son objectif - tuer sa proie -, c’est pour l’autre un moyen de se protéger, de pouvoir collectivement continuer de vivre, de grandir.

Second point particulièrement intéressant à comparer, la différence qui existe quant à la notion de territoire (sujet ô combien présent en entreprise n’est-ce pas !). Une meute de loups par exemple vit sur un territoire qui lui est propre. Elle ne le partage pas avec d’autres meutes et se battra pour le défendre corps et âme. De leur côté, les chevaux n’ont pas de territoire. Comme l’écrit l’éthologue

Hélène Roche dans Comportements et postures, les chevaux se déplacent sur un domaine vital à même de couvrir leurs besoins. Ainsi sur un même territoire géographique, tout en restant les uns séparés des autres, plusieurs troupeaux cohabitent. Une autre façon de le raconter serait de dire qu’il n’y a pas de pré-carrés… expression dont la définition du Larousse est “domaine réservé de quelqu'un, d'un groupe, sur lequel il veille avec un soin jaloux, qu'il protège des empiètements des autres”. Ça vous évoque des choses par rapport à votre quotidien ? Alors continuons !



Une relation à l’environnement également très différente

Afin de pouvoir vivre, les prédateurs doivent donc tuer. Chasser n’est pas chose aisée. Ils ont ainsi dû développer des compétences de concentration et d’attention extrêmes. Pour atteindre sa proie, le prédateur ne doit plus prêter attention à quoi que ce soit d’autre que son objectif. Vous avez déjà vu un chat en train de chasser une souris ? Il est totalement obnubilé par la petite souris - son objectif - et ne tient plus compte du reste (sauf si évidemment il perçoit un danger, comme un bruit par exemple). Cette concentration extrême entraîne alors une réduction de l’attention portée au reste du monde. Nul besoin d’expliciter plus en détails les parallèles qui peuvent être faits quand un individu ou un groupe d’individus est focus sur un objectif…

De son côté, la proie elle, est en permanence en train de screener son environnement. Elle observe, écoute, analyse constamment ce qui se passe autour d’elle. Une attitude indispensable car en effet le prédateur peut surgir à tout moment. Cette qualité d’attention globale et permanente, indispensable à sa survie, justifie notamment la nécessité de vivre en groupe. Pendant que l’un dort ou mange, d’autres guettent.  

Finalement, alors que l’un oublie son environnement pour réussir, l’autre sur-développe sa capacité à l’écouter, à le prendre en considération, pour de même réussir… Intéressant paradoxe n’est-ce pas ?!

Organisation sociale et mode de coopération, c’est un peu blanc ou noir ! 

Comme l’a très bien exposé Guillaume Antoine dans Communication professionnelle et management, il est intéressant de regarder ce qui se joue en termes de structures et modes relationnels en comparant notamment les meutes de loups et les troupeaux de chevaux. 

Dans le cas de la meute de loups, le loup alpha est à la tête. C’est LE chef, c’est lui qui dirige tous les autres loups, qui décide pour tous. Ainsi au sein de la meute, une vraie hiérarchie est en place et la domination des uns entraîne la soumission des autres. Au quotidien, c’est la compétition qui prédomine; il faut se battre pour garder sa place, manger, et même partager la vie d’une louve. Les relations entre les individus sont donc animées par la rivalité ce qui, en plus d’être énergivore, crée peu de confort individuel et d’harmonie collective. Bref, dans ce schéma, il y a un gagnant et beaucoup de perdants…

Du côté d’un troupeau de chevaux - les harems - , à la tête se trouve majoritairement une vieille jument; entendre par là jument expérimentée. Elle a été choisie du fait de sa capacité à être la plus à même d’assurer la survie du troupeau (son âge est une preuve de cette aptitude justement). Ce qui l’importe à elle c’est la survie du troupeau et en ce sens, elle n’a aucun mal à “céder” le leadership à un autre individu du troupeau qui pourrait être meilleur qu’elle dans un domaine. Ainsi si un cheval reconnu par le troupeau pour son aptitude à avoir une meilleure acuité visuelle donne un signal d’alerte, tout le monde se fie à lui. C’est ce que l’on peut qualifier de leadership tournant. Dans ce cadre là, on voit que la confiance est au cœur du bon fonctionnement du groupe et qu’à la notion de dominant/dominé, il est préféré une relation de coopération. Dès lors il en résulte un confort individuel meilleur tout comme une harmonie collective plus forte. 


Et si vous passiez en mode proie ? 

Bien que nous humains, soyons des prédateurs, nous avons la capacité de choisir notre façon d’agir et d’interagir avec les autres. Maintenant que vous avez touché de plus près aux différences entre proies et prédateurs, il est bien possible que vous ayez une chose en tête : voir la vie en mode proie ! Pour la faire vivre au quotidien à travers des formations ou séminaires avec les chevaux, je peux vous dire en effet que cela change sa façon d’appréhender les choses, les gens et les relations. Et je pourrais même vous dire que vous gagneriez en performance…


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